dimanche 14 janvier 2007

Les grands livres du monde

• John SMITH, Echos, Paris, Editions Les Curies, 1972

L’histoire d’une vieille dame qui – laissée à elle seule par son fils qui se trouvait au boulot – a senti le spleen et a allumé la radio.
Le livre propose au lecteur le récit détaillé des 2 heures que la vieille dame (Clémentine de son nom) a passées devant l’appareil en changeant les fréquences – ce qui a donné à l’auteur l’occasion d’entreprendre un excursus dans le monde des ondes radio (voir notamment le chapitre qui porte sur la radiation de fond de l’Univers, vestige du Big-bang, et celui qui traite des signaux des galaxies lointaines et de la manière dont ceux-ci traversent les grands vides), mais surtout d’esquisser une histoire de la musique. La narration est particulièrement intéressante, consistant de l’entrelacs des sons et des souvenirs de Clémentine. Une histoire personnelle de la musique donc, car le public s’aperçoit que la vieille dame est identifiable à l’auteur. Dans l’épilogue on apprend que – lorsqu’elle essayait de se préparer un thé – Clémentine a provoqué une explosion et, par la suite, elle est morte brûlée. Ebranlée, la radio change de fréquence et son haut-parleur se met à restituer le bruit de fond de l’Univers.


• Robert REGIS, Une tragédie de Vietnam, Paris, L’Usine aux Livres, 1995

Il s’agit du drame de quelques paysans du nord du Vietnam.
Un gosse, Kwai-Tong, trouve dans le lit d’une rivière une arme américaine de grand calibre, connue aux vétérans sous le nom de « Le matois ». L’arme n’a pas de recul. Les concitoyens de Kwai-Tong ne savent pas qu’elle a été projetée et réalisée à dessin sans recul ; ils partent donc à la quête dudit recul.
Sur ces entrefaites, le village est saccagé par la sècheresse, le riz meurt, les maisons à toit de chaume s’allument, les bêtes de somme tombent sur la terre crevassée des champs. Nonobstant, il semble que personne ne prête attention à ces catastrophes naturelles. Les villageois cherchent furieusement le recul, font tarir la rivière, se nourrissent de racines et de fourmis, deviennent très maigres et finalement périssent jusqu’au dernier.
Le message du livre est généreux et humaniste : dans des telles conjonctures, quand les gens sont à la recherche d’une chimère (car c’est ça la signification du recul dans le symbolisme du livre), il est nécessaire de s’assurer qu’il y a quelqu’un qui veille sur le village et qui fasse attention aux catastrophes naturelles qui guettent la commune.


• George CUNNINGHAM, Ferlinghetti, New York, Best Books, 1990

Ouvrage biographique.
Le bouquin commence d’une manière spectaculaire : on voit Lawrence Ferlinghetti à ses années de vieillesse, les cheveux blancs, discourant devant un auditoire d’admirateurs. Ensuite, la narration recule beaucoup dans le temps et l’auteur fait un long et savant récit de l’histoire médiévale italienne. Après quoi, sans aucun avertissement, Cunningham se penche sur la période que Ferlinghetti a passée au lycée. L’auteur ne comprend guère comment cet Italien – dont le nom lui rappelle les spaghettis à la bolognese – est arrivé à étudier à la Sorbonne, à mettre ses diplômes dans le sac et à placer son fric dans une librairie à Frisco. Une importance particulière est attachée aux rencontres de Ferlinghetti avec Kerouac et Ginsberg. L’héros de la biographie est loué pour avoir publié le Howl de Ginsberg (« I saw the best minds of my generation… »), pour avoir traduit Baudelaire en américain et pour avoir donné un coup (le lecteur comprend qu’il s’agit d’un coup de main) à une vieille dame chargée de bagages, afin qu’elle puisse monter dans le tram.


• John DOE, Mes psychoses, Paris, Editions Paraplégiques, 1998

Mémoires.
Affligé dès l’enfance par de divers complexes dus à son nom, John Doe s’isole, envisage d’entrer en religion et monte souvent dans la mansarde de sa maison, où il y avait quelques bouquins laissés en héritage. Remarqué par son prof de gymnastique et d’hygiène, le jeune Doe est conseillé à se dédier complètement à l’étude. C’est ainsi qu’on le retrouve à Duke University (NC), inhalant les spores des champignons qui couvrent les papyri de la riche collection de la bibliothèque de l’université. Après la fin des études, Doe fait son entrée dans le mécanisme social. Terrifié par la stupidité américaine, il attrape une névrose et se promène nu comme un ver dans le Central Park. La société américaine n’est pas seulement stupide, elle est aussi puritaine : John Doe est donc coffré pour 5 ans. Les parois mornes de la tôle constituent le décor parfait pour que Doe soit atteint par plusieurs psychoses. Pour les traiter, il suit les cours par correspondance du département de psycho d’Adirondack College. Il écrit. S’apercevant qu’il manifeste des formes variées de délire paranoïde, il se décide de quitter les Etats-Unis pour le bon. C’est ce qu’il fait en 1996, lors de son élargissement. Actuellement il vit en France, à Kremlin-Bicêtre.


• Jean BROUILLARD, Mythes de l’Amérique, Paris, Nouvelles Editions Philosophiques, 1987

Etude d’anthropologie philosophique.
Le lecteur sera peut-être tenté de croire que le traité traite de sujets tels que « les dindons et les pèlerins » ou « chez nous autres, les Ockies ». Si c’est le cas, le lecteur se trompe une fois de plus. L’auteur, partisan de l’anthropologie structurale, prend du plaisir à balayer le champ mythique à juste et à travers, dans tous les sens, étant convaincu du caractère holistique de celui-ci. En grandes lignes, les mythes qui attirent l’attention de Brouillard sont : le mythe du raton, le désert, l’autoroute 66, le boulot à 16 ans, le Coca-Cola, les traditions vietnamiennes, les starlettes des films X, les Kennedy, les années 60, Al et Ted Bundy et le bon samaritain. Un livre étrange, étrangement beau.


• Rose PERAULT, L’histoire du Texas selon les Texans, Paris, Livres de Moche, 1996

Monographie.
Le livre commence en 1619, en Virginie, et finit en 1985, lorsque le NBC proposait aux spectateurs, depuis quelques années déjà, une soap-opéra de succès universel, à savoir Dallas. Le Texas est une contrée âpre, où seuls les ivrognes peuvent tenir le coup. Le Texas est le pays de la vache, du coton, de la fierté sudiste, du pétrole et de la xénophobie. A l’époque des garçons – aux – vaches, tout étranger arrivé à Dallas était assommé ou tué ; cette habitude cruelle, abandonnée pour un certain laps de temps, a été reprise en 1963, lorsque l’occasion s’en présenta. L’auteure fait l’apologie du nationalisme et l’éloge du traditionalisme du Dixieland, parle long du mythe des boîtes et fabrique une histoire du pétrole ; elle décrit et explique d’une façon compréhensive la politique des politiques texans contemporains. A la fin du livre, dans un addendum consistent, Pérault résume le trame narratif du Dallas ; le résumé est accompagné de profondes caractérisations de personnages (voir surtout celle de Digger Barnes).


• Jean-Michel JOUE et Xavier GIGNON, Les vies parallèles de Jack Kerouac, Paris, Les Chemins du savoir, 2004
Biographie(s).
Les 2 auteurs partent d’une photo où l’on peut voir Kerouac habillé d’un blouson de marin. Stupéfaits, ils s’interrogent s’il a vraiment été marin. Ils ont leurs doutes. Posent des questions. Creusent. Obsédés par cette interrogation et surtout par le fait qu’ils n’aboutissent à aucun résultat, ils décident de faire un livre. L’hypothèse de départ est que Kerouac a vécu plusieurs vies. Mais, dans un premier temps, les 2 auteurs ne peuvent pas établir si ces vies se sont passées l’une après l’autre ou simultanément. Vu que Gignon avait horreur de la métempsychose, ils se décident à être persuadés que les vies de Kerouac ont été parallèles. La première vie est celle de la quête de Dieu ; la 2e – celle de la haine pour les pompiers ; ensuite : la vie en pauvreté, misère et saleté ; les tresses entortillées ; la bagarre ; l’alcool ; la drogue ; le fric-frac ; la vie mystique ; la vie de Don ; la vie de l’écriture de l’éternité dorée ; la vie sur la route ; la vie d’un haïku. Les auteurs citent un fort beau haïku : “ In my medicine cabinet / the winter flies / died of old age.”; l’expression “medicine cabinet” met Joue et Gignon en difficulté: ils soupçonnent que leur sujet a également été médecin, mais un marin navré de Dover les renseigne que “cabinet” signifie “petit armoire qui se trouve dans la salle de bains”. Le livre finit par un bref paragraphe où les auteurs exposent leur conclusion : « Oui, Kerouac a également été marin, un marin navigant sur les flots des vies parallèles ».


• G. BUCK, A la recherche de la gloire, Paris, La Conciergerie, 1999

Livre de souvenirs et confession.
Au fil de sa recherche de la gloire, Buck a menti, volé, plagié, s’est prostitué, a été pédo pour se faire connaître, a tué 6 femmes blondes et 2 garces – ceux qui l’entravaient de quelque façon ôtés – et a monté un kidnapping dont l’objet était le fils du gouverneur de Maryland. J’ai lu le bouquin au bout du souffle.