lundi 26 mars 2007

Une révolution 3

§c. Ce 1848 va perdre un jour un pauvre scandinave, Cunt Hamsun (1) et, pareillement, il va terroriser dix mille enfants, qui devront apprendre (2) comment nous sommes justes et bons et comment nous avons brûlé l’Annuaire des boyards (3) et les dérèglements (4) d’ordre intérieur et surtout quelle grande victoire nous avons obtenue à Dealu Spirii (5), mais, tiens, nous étions une poignée d’hommes, nous y étions allés à négocier avec les Têtes de Turcs de la garnison et Gheorghe-al Stanii (6) s’est fait shooter une pierre (7) et, suite au choc, son fusil s’est défoulé – ledit fusil ayant pris part à la révolution française de 1792, celle portée au-delà des bornes – et les Turcs ont cru que nous avions l’intention de les attaquer, mais comment diable, car nous étions 50 et eux autres, ils étaient 2000, mais ce même satané, à savoir Gheorghe-al Stanii (8), a bondi de sa place et a commencé à les canonner (le con avait trouvé un canon à affût (8)) et les compères le regardaient l’air hébété et ricanaient comme des sots qu’ils l’étaient et puis ils se mirent à chanter

Gheorghe nebunu
Trage cu tunu
Si impusca ratele
Si mananca matele (10)

et les crétins ne savaient point que cet idiot-là ne faisait rien d’autre que déclarer la guerre à la Haute Porte, l’Empire de l’Univers (11).

[Chez Marcel PROUST, Sorbonne et Gomorhée, Paris, Editions Subjectives, Collection « Pléonasthme », 1926, p. 129 sq.]

1. Cunt HAMSUN, Sult, Rotterdam, In Aedibus Stultitiae, 1917.

2. Notre Saint, comme plusieurs d’autres, était capable de prophétiser. En ce sens, voir Isaac DANIELS, Prophètes, prophétesses et prophétides, trad. Jacques de Vin, Paris – Delphes, Editions E, 1922. Voir aussi, si vous voulez bien, Mijomir IVANOVICI, « Enquête sur la fête des prophètes : la bête qui guète dans le Théétète », R.E.M., II, 1978, pp. 151-186.

3. Plusieurs raisons pertinentes ont poussé R. McLaughlin (« Who’s who », introduction à What, When, Where, Why. A Handbook of the Inquisitorial Inquiry, Oxford, Blackwell, 1988, pp. VII-XXXVI) à affirmer qu’il ne s’agit point d’un annuaire, mais d’une pièce qui s’inscrit dans la série typologique des “Who’s Who ». Certes, il reste à trouver la référence de « who’s who ».

4. Mot attesté à maintes reprises, presque chaque fois à une connotation négative. La juxtaposition « dérèglements – ordre » produit un oxymoron.

5. Non-lieu de mémoire de Bucarest, siège d’une populeuse assemblée populaire ; en traduction littérale, « la cime de la spirale ». Le nom, me semble-t-il, met en valeur la conception hégélienne de l’histoire.

6. Georges, fils de Stana. Notons que la Prosopographie de WILAMOWITZ n’en dit rien. C’est pour ça que plusieurs exégètes symbolistes, dont spécialement Charlus Bodleanus et Stephanus Mal Armé de Byzance – théoriciens de la similitude heuristique et de l’allégorrhée – ont soutenu que le personnage en question est en effet « Georges, fils de Satan ». Leurs arguments sont : (i) le texte même dit « ce satané » ; (ii) Satan est souvent figuré comme un dragon à sept têtes, crachant du feu et pouffant du souffre ; or, quant il est ainsi figuré, il est toujours associé à Saint Georges ; (iii) voir la note I, 21c, 7.

7. XXX, dans Si j’étais un drogué, Paris, P.U.F., 1976, p. 312, écrit : « - Comment se faire shooter une pierre ? – On la lave. On la râpe par une râpe fine, en sorte qu’il en résulte une poussière fine. Ensuite on applique le même processus technologique que nous avons décrit lorsque nous avons parlé de Marianne et des autres héroïnes. »

8. Voir supra, la note I, 21c, 6, argument (i).

9. Terme militaire. Umberto ECHO (Le pendule de Florence, Paris, Garce et Flasquelle, 1990, p. 135) estime que la parenthèse toute entière est une interpolation, ou, dans le meilleur des cas, le syntagme « canon à affût » est l’œuvre d’une main tardive, qui ne comprenait plus le sens de l’expression « le feu grégeois ». En l’occurrence, le Saint aurait été un Templier, maître de la technique du feu byzantin et attesté en cette qualité chez Jean de JOINVILLE, L’histoire de Saint Mijomir. Mais, disons-le à la soldate, le Saint ne rien à affûtre avec les Templiers. S’il l’a eu avec quelqu’un, c’est peut-être avec les Clarisses et avec l’ordre de Saint Benoît (la tradition veut qu’il y ait eu une correspondance entre les deux figures angéliques).

10. Des vers mystérieux, attestés pour la première fois au XVIIIe siècle (Du MARSAIS, Des tropes, Paris, 1776, p. 872), mais jamais traduits jusqu’à présent. En voici deux traductions, l’une littérale et l’autre littéraire : « Georges le fou / tire le canon / et fusille les canards / et en mange les boyaux » et « Georges le dément / fait le bombardement / des canards occit / en mange la triperie ».

11. Apparemment, il s’agit de l’empire des têtes de Turcs, car l’empire du ciel sera le leur, cf. Jack KEROUAC, Les clochards célestes, Paris, Editions Croisées, 1954.

Une révolution 2

b§ : Son septième voyage au but (1) de la nuit, en flottant sur l’écume des jours, n’a rien apporté à Scott (2), seulement à sa femme le veuvage (3) ; de même, au bout de ces jours-ci, les dames de Bucarest apprendront qu’il n’y aura personne qui les console, aucun Rasputine (4), aucun…

[Chez Pierre D’ABONO, traduction (1402) du traité de Philippus OGER, Tractatus de veneriis, B.N.F. - Mazarin, ms Parisinus fr. 14820, 15r]


1. Le but de la nuit est sans doute sa cause finale, à savoir – en ce qui est de la pensée du Saint – la prodiagnose par le rêve. Bien qu’il soit une interprétation qui pourrait facilement nous tenter dans ce vide d’informations, je propose, avec Louis Ferdinand CELINE (Voyage au bot de la nuit. Essai d’analyse structurale des ‘Confessions’, Paris, Maspéro, 1968, passim) la lecture « bout ». On sait depuis pas mal de temps que le bout de la nuit est la pointe.

2. En 1848 il y a eu un seul Scott (cf. Ulrich von WILAMOWITZ MOELENDORF, Summa prosopographica. Les hommes et les femmes qui ont jamais vécu, grand in folio, Leipzig, Teubner, 1907, vol. MMMDCCCLXXXVIII, p. 1614), que Russell appelait « l’auteur de Waverley » et qui s’est fait remarquer par l’édition des œuvres de John Dryden, biographe de Lucien de Samosate. Mais il est peu probable que le Saint fasse référence à lui, car il n’a jamais voyagé la nuit. En revanche, le seul Scott qui a voyagé au bout de la nuit a vécu pendant le long règne de la reine Nikê. Pour cette raison, Nicole VAUGIRARD (Les Confessions, I, 21b : quoi en faire. Une approche critique », REM, XXVII, 2003, pp. 1-53) pense que tout le fragment I, 21b est soit apocryphe, soit un faux dû à l’esprit ludique de l’auteur (cf. supra, la note I, 8, 4). La jeune chercheuse appuie son argumentaire sur le fait que la prosopographie de Wilamowitz, carrément exhaustive, ne marque pas le nom de Saint Mijomir. Par voie de conséquence, soit le Saint n’a jamais vécu (ce qui est absurde, car, en l’occurrence, nous tous serions attelés à une besogne scientifique vaine), soit il a vécu après 1907. J’avoue que je n’ai pas réussi à me ramasser après la lecture de cette étude, dont la plus étonnante conséquence serait que le Saint se trouve bel et bien parmi nous, en se moquant peut-être de nos pauvres tentatives d’éclaircir sa pensée (cf. Mijomir IVANOVICI, « Est-on prêt à se soumettre aux conséquences de la logique de Vaugirard », REM, XXVII, 2003, pp. 55-98).

3. Scott est mort pendant son septième voyage et alors sa femme est devenue veuve. En effet, le rôle de cette histoire est celui d’établir le terme premier d’une analogie (cf. Alice PLANCHE, Images d’ailleurs dans la littérature romanesque du Moyen Âge, Actes du Colloque de Science-fiction, Nice, 12-25 avril 1983, Nice, Editions de la Fondation, 1985, « Avant-propos », p. VII). La fonction de ce terme de l’analogie est de souligner l’ensanglantement de la révolution de 1848 (cf. « de même » et « ensanglanté »).

4. Personnage bien attesté, fabriquant de vodka et amant de la dernière tsarine. Il faut noter pourtant qu’il ne s’appelait point « Rasputine ». Selon Margueritte DURAS (L’Amant, Paris, Minuit, 1984), le nom se traduit par « le premier dans la rue », cf. « ras » = « un » et « put » = « rue » ; le vrai nom du personnage serait Vladimir Estragonovici Jdanov. Mais la thèse de Duras ne couvre pas la totalité des opinions. Stefan CZARNOWSKI (« Definicja i klasyfikacja faktow spolecznych », Dzieta, II, 1956, pp. 222-234, p. 229) estime que le vrai nom serait Rasputain ou Rasputine. Par contre, Jean HIPPOLYTE (Réfutation de toutes les hérésies anti-hégéliennes, Paris, Editions de la Dialectologie, 1969, pp. 168-236) soutient que le bonhomme s’appelait Vladimir Visarionovici Ras-Putine, où « Putine » serait la variante russe de « Tse » des Chinois (e.g. Mao-Tse-Dong) et signifierait soit « sage », soit plutôt « grand chef ». Le lecteur peut en choisir.

Une révolution 1

XXI. « 1848 » (1)

1. A ce qu’il me semble, le Saint a rédigé une histoire de la révolution de 1848. En voici les fragments qu’on a conservés.

§a : […] et, à peine arrivé là, notre blason national commença à hurler (1) et n’en cessa que trois jour après, quand la garde nationale était devenue déjà verte comme le drapeau (2) ; on est en 1848, Messieurs dames, ouais, et Balcescul (3) a présidé hier soir le rituel de la Loge (4) et il a été vraiment pénible, je lui ai dit « hé, gars, va te faire foutre, quels Carbonnaires (5) songes-tu à trouver chez nous, ne voies-tu les nôtres, ils sont tous des magots (6) » (7) et pouah, j’ai craché son livre (8) où les Roumains ont sucé Mihai Voevod Viteazul (9).

[Chez Honoré de BALZAC, L’envers de l’histoire contemporaine, Paris, La Découverte, 1836, p. 416]

1. Joseph KESSEL (Le lion, Chartres, Editions Royalistes, 1926, p. 194 sqq.) estime que ce blason représente un lion rouge rugissant de rage.

2. ? Texte très obscur, dont la tenue est certainement héraclitéenne. Pour autant que je sache, le seul drapeau vert, en 1848, était celui des Têtes de Turcs. De nos jours, tout le monde le sait, les drapeaux sont rouges. Pour ce qui est de ce sujet complexe, v. ADAMANTIUS JUDEUS, Physiognomia signorum, éd. Fritz Keil, Leipzig, Teubner, 1888.

3. Personnage notable de la révolution de 1848. Pour sa vie, son œuvre et ses gestes, voir TOCILESCUL, Balcescul, Bucarest, Editions §, 1900.

4. Mot qui dérive du radical *log-, dont l’éparpillement sémantique est bien attesté. De la famille qui en dérive, notons : logique (= alogique, où l’alpha est associatif), mythologie (= mythomanie = monomanie) ; logarithme (= logo à rythme) ; logorrhée (= leucorrhée, à cause de la mousse qui couronne la bouche locutrice) ; logogriphe (= logogriffe, cf. Derrida). Quant à la signification de cette « Loge », il y a plusieurs théories. B.-H. LEVY (Eloge des intellectuels, Paris, Nouvelle Librairie Philosophique, 1989, p. 16 sqq.) pense qu’il s’agit d’une erreur perpétuée dans la tradition manuscrite et propose la correction « éloge ». En l’occurrence, le rituel de l’Eloge serait une pratique complexe, comprenant un sujet (« elogiator »), un objet (« elogiens »), un ou plusieurs discours (« elogiendum/-a ») et une assistance passive et hébétée si possible. Au contraire, Paul FEYERABEND (Adieu la raison, London, Newest Left Books, 1989, pp. 38-46) considère que la Loge était une association secrète des partisans du phlogistique, après l’avènement glorieux de la théorie de l’oxygène. L’interprétation de Feyerabend me parait préférable à celle de Lévy, parce qu’elle réussit de rendre compte des « Carbonnaires », dont la préoccupation est une substance inflammable ; au surplus, elle rend secret le rituel (qui n’est qu’une espèce du genre « pratiques ») et met en valeur la notion d’incommensurabilité (forgée par Feyerabend et Kuhn pendant leurs promenades dans Telegraph Avenue, à Berkeley), qui appartient à la constellation symbolique des révolutions. Cependant, bien que ce soit une très belle théorie, Feyerabend n’a pas raison ; sa lecture du fragment est tout comme son écriture en général, à savoir irresponsable, car les phlogistiques étaient des réactionnaires, tandis que le Saint et Balcescul étaient des révolutionnaires. Pour quelques années, le fragment a été un locus disperatus. Je dis bien pour quelques années, car le surprenant livre signé par Jean-Pierre ADAM et Betty FRIEDEN (L’architecture démystifiée, Paris, Editions Thaumatiques, 2002) a totalement éclairci le problème. Les deux auteurs entament leur raisonnement par un constat sensé : il est vide de sens d’essayer d’émender le texte, car l’existence du mot « loge » est très bien attestée. Le problème est qu’on ne sait plus ce que « loge » signifiait. Astucieusement, ils réfutent la théorie de Quine concernant la double indétermination de la traduction et rapprochent le terme à l’italien « loggia », qui désigne un creux dans un mur et qui est en relation d’équivalence extensionnelle (leibnizienne) avec le nom plus courant « grande niche ». Après avoir sondé les textes conservés, les deux auteurs concluent que le terme technique « loge » était employé par les snobs et par les bâtisseurs (eux-mêmes démunis de noblesse). Par voie de conséquence, le rituel de la Loge serait une pratique apotropaïque complexe, destinée à garantir la durabilité de la grande niche dont la maçonnerie pose des réels problèmes techniques. Selon cette théorie, qu’on peut facilement considérer comme définitive, les « Carbonnaires » sont ceux qui avivent le feu qui durcit les poutres et les chevrons (cf. aussi Cadet ROUSSEL, De la construction des nids, Paris, Editions Jacobines, 1788, p. 538). Enfin, la révolution trouve son explication la plus appropriée : l’histoire de l’architecture est scandée par des révolutions (e.g. l’entasis des colonnes doriennes, la coupole au-dessus d’un plan carré – au temple de la Sainte Sagesse -, les petits et drôles monstres qui constituent le contrepoids de la sévérité gothique, l’œuvre de l’Hollandais Block ou le nouvel beffroi de Christ Church d’Oxford, auquel Charles Ludwidge Dodgson a consacré une inoubliable monographie).

5. Cf. supra, I, 21, a, 4. Pourtant, Apicius (De l’art coquinnaire, IV, 12) propose une étonnante hypothèse : les « Carbonnaires » seraient des cuisiniers, étant donné qu’il existe une recette appelée « spaghetti à la Carbonnara ».

6. Claude Hagège (L’homme de paroles, Paris, Fayard, 1985, p. 167) rejet la variante traditionnelle « des magots » et propose la lection « démagogues », en s’étayant sur deux arguments : les Confessions auraient parfois une forme tout à fait orale, voire aurale, étant placées dans un temps auroral, de même que les poèmes homériques ; en deuxième lieu, les démagogues, tant pis soit-ils, serait capables de diriger une révolution, tandis que les magots ne pourraient ni même se conduire eux-mêmes dans le chemin imbriqué de la vie. Par contre, Claude ZILBERG (Essai sur les modalités transitives, Amsterdam, Walter Benjamin C., 1985, p. 297) propose la leçon « des mangos » - belle connotation du légume, qui exprime la modalité de l’impuissance. Quant à moi, je ne vois aucune raison pour démystifier une tradition manuscrite bien attestée.

7. La plupart des exégètes, dont moi-même en premier rang, sont persuadés de l’authenticité de cette phrase. En l’occurrence, l’histoire de la révolution de 1848 devrait être récrite, pour y donner au Saint la part qui lui convient.

8. BALCESCUL, Les Roumains sous Mihai Voevod Viteazul, Bucarest, Editions du Progrès et de l’Emeute, 1844.

9. Il s’agit d’une ironie qui se déploie sur le terrain flou de la sémantique et de la traduction. Balcescul était un adepte de l’ancien régime de la préposition « sous », en roumain « supt » - qui se traduit littéralement « sucé ». Par contre, le Saint propose l’abandon du terme vulgaire et l’adoption de la forme latine « sub » (pour le latiniste, cette préposition doit sans doute appeler les trois autres que l’accusatif et l’ablatif partagent).

Le Saint mange (toujours)

XX. Il me faut dire que je me suis empâté d’un bouton (1). Mais, comme disait Danny Cohn-Bendit (2) – « je ne suis pas plus bourgeois (3) que les autres ».


[Chez Karl MARX, Le Capital, I, 3, 14, Paris, Annie Kriégel, Editrice, 1992, p. 196, n. 73]


1. Louis PERGAUD (La guerre des boutons, Paris, Editions de CNRS, Institut National d’Endocrinologie, 1996, p. 18 sqq.) a magistralement démontré que le bouton est un composant essentiel de l’univers symbolique de l’engraissement.

2. Maire de Francfort et membre du Parlement Européen, qui se distingue notamment par la couleur verdâtre de son teint. Robert MERLE (La mort est son métier, Paris, Editions de la Série Noire, 1969, p. 68) avance l’étonnante hypothèse que Danny Con-Bendit serait le leader de la Révolution. D’évidence, il se trompe. On sait bien que le Leader de la Révolution a été l’Incorruptible, qui, par ailleurs, était maigre comme un clou.

3. D’après les philologues, terme mis en relation avec « Bourgeoise ».

Un sermon

XIX. J’avais pris une pose rodinienne et je me voyais reflété sur la surface convexe de la douche. Je me faisais signe de la main et j’avais une taille négligeable (1). Et j’ai fait serment là-bas, où j’étais, que je ne serais jamais un ver ou un jean-foutre, ouais, que je serais un homme libre et maître de mes paroles et de mes idées et putain j’ai oublié ce que je voulais encore écrire (2).


[Chez C. ABASTADO, Mythes et rituels de l’écriture, Bruxelles, Edition Complexe, 1976, p. 179 sq.]

1. Le passage nous renseigne que le Saint connaissait les lois, notamment les lois de l’optique.

2. La dernière remarque montre que ce fragment, comme tellement d’autres, est une ficcion.

Une profession de foi

18. Car, pour t’opposer à cette cul-ture croupie, il faut la connaître, il faut que tu aies envie de dégueuler même au souvenir des marasmes qu’elle exhale et d’où ton nez est indélogeable, ah, par Dionysos Limnaios[1] et par Artémis Lochia[2], j’ai la nausée, je porte tellement d’idées, j’en accouche dix mille à la fois, je vis une dépression perpétuelle, j’en ai assez de laver la layette et de remplir mon stylographe, et que le diable t’emporte, tais-toi, sale connard.

Ouais, Messieurs dames, c’est un échantillon de dégobillage intellectuel dont ceux-ci, les réactionnaires, se demanderont ‘comment diantre l’interpréterions-nous ?’. Au surcroît, certains exégètes – vieux, sérieux et surtout freudiens – diront qu’il existe il se trouve il y a en moi une homosexualité latente. Mais cette mienne pédérastie serait – dira-t-on – d’une espèce parti cul y erre, car, toujours en moi, la double féminine (Anima, de son nom) serait très vive (selon d’autres exégètes, non moins vieux, sérieux et surtout jungiens), d’où l’attraction pour ma sœur Zivana, qui, diront les autres , ne serait qu’un substitut de ma mère, avec qui, par ailleurs, j’ai longtemps partagé le lit maternel et, par Hécate[3], je ne sais pas comment ces braves gens se débrouilleront dans cette broussaille psycho et surtout textuelle. Ils estimeront peut-être que je suis un « ange en filigrane »[4].

Tais-toi, sale connard. Auto ironie. Le message du passage est fort sage. Tout d’abord, le mot tranché en deux tranches, « cul-ture », veut dire que la culture nous rend schizophrènes. En deuxième lieu, les deux divinités invoquées sont l’incarnation de l’Autre, qui demeure au juste milieu du Même. Le message du passage se trouve donc renforcé. Enfin, pour illustrer cette schizophrénie, l’auteur commence à s’adresser des insultes.

Parti cul y erre. Lectio incerta. Particulière ?

Broussaille psycho et surtout textuelle. Yan LE PICHON[5] propose la leçon « sexuelle ». Celui-ci, tout comme Apollinaire, ne sait pas que, lorsqu’il s’agit de notre Saint, le texte n’a pas de sexe.

Ange en filigrane. Notons une autre occurrence du mot « ange ».

Le fragment. M. GUYEAU[6] a produit un long et très idiot commentaire de ce passage sous le titre « l’art des décadents ». Il n’a rien compris de l’ironie du fragment.



[1] Voir Henri JEANMAIRE, Dionysos. Histoire du culte de Bacchus, Paris, Payot, 1970, p. 44 et passim.

[2] Voir Jean-Pierre VERNANT, La mort dans les yeux2, Paris, Hachette, 1990, p. 22.

[3] Voir Hésiode, Théogonie, 411-452 ; H.H.Dém., 24 ; Eschyle, Suppl., 676 ; Aristophane, Guêpes, 804 ; Apollonius de Rhodes, Argonautiques, III, 50 ; 478 ; 1034 ; IV, 245 ; 1018 ; et surtout Lucien, Dialogues des morts, I, 1 et Nécyomancie, 20.

[4] Chez Henri LAVEDAN, de l’Académie Française, Leurs sœurs, Paris, Librairie Académique, 1924, p. 16.

[5] L’érotisme de Chers Maîtres, Paris, Librairie Crébillon, 1987, p. 98.

[6] L’art au point de vue sociologique, Paris, Félix Alcan, 1901, pp. 342 sqq.

Kinna Robert Johnson Blues

when I woke up dis mo'ning de blues wuz there; I had a dream 'bout my baby openin' my door while I wuz listenin' to some blues which reminded my of Robert Johnson. I remmber 't'wuz an A song, with de bottleneck driven on a wood guitar and a medium fast 4/4 measure. Igit down of bed, grabbed my guitar en played mah walking blues. It goes like dis:

I woke up dis mo'nin'bout de break of day
woke up dis mo'nin 'bout de break of day
well, I got dese travellin' blues, I s'pose I jist cain't stay.

I hear a bell a-ringin' en I hear a whisle blow
I hear a bell a-ringin' en I hear a whisle blow
De train got to de station, I bilieve I'm bound to go.

Please, Mr Engineer man, please hurry up fo' me,
Said please, Mr Engineer man, please hurry up fo' me
I got dese travellin' blues, I'm jist as reckless I can be.

I gonna leave you baby, leave yo' bad luck town,
Who Who well, I gonna leave yo' bd luck town
Evuh since I got heah you keept foolin' a-roun'.

I gonna go, baby, to a place I nevuh been befo'
Said I gonna go, baby, well, to a place I nevuh been befo'
Well, you remembah what de good book say
Well it say "you gotta reap jist what you sow".