lundi 26 mars 2007

Une révolution 2

b§ : Son septième voyage au but (1) de la nuit, en flottant sur l’écume des jours, n’a rien apporté à Scott (2), seulement à sa femme le veuvage (3) ; de même, au bout de ces jours-ci, les dames de Bucarest apprendront qu’il n’y aura personne qui les console, aucun Rasputine (4), aucun…

[Chez Pierre D’ABONO, traduction (1402) du traité de Philippus OGER, Tractatus de veneriis, B.N.F. - Mazarin, ms Parisinus fr. 14820, 15r]


1. Le but de la nuit est sans doute sa cause finale, à savoir – en ce qui est de la pensée du Saint – la prodiagnose par le rêve. Bien qu’il soit une interprétation qui pourrait facilement nous tenter dans ce vide d’informations, je propose, avec Louis Ferdinand CELINE (Voyage au bot de la nuit. Essai d’analyse structurale des ‘Confessions’, Paris, Maspéro, 1968, passim) la lecture « bout ». On sait depuis pas mal de temps que le bout de la nuit est la pointe.

2. En 1848 il y a eu un seul Scott (cf. Ulrich von WILAMOWITZ MOELENDORF, Summa prosopographica. Les hommes et les femmes qui ont jamais vécu, grand in folio, Leipzig, Teubner, 1907, vol. MMMDCCCLXXXVIII, p. 1614), que Russell appelait « l’auteur de Waverley » et qui s’est fait remarquer par l’édition des œuvres de John Dryden, biographe de Lucien de Samosate. Mais il est peu probable que le Saint fasse référence à lui, car il n’a jamais voyagé la nuit. En revanche, le seul Scott qui a voyagé au bout de la nuit a vécu pendant le long règne de la reine Nikê. Pour cette raison, Nicole VAUGIRARD (Les Confessions, I, 21b : quoi en faire. Une approche critique », REM, XXVII, 2003, pp. 1-53) pense que tout le fragment I, 21b est soit apocryphe, soit un faux dû à l’esprit ludique de l’auteur (cf. supra, la note I, 8, 4). La jeune chercheuse appuie son argumentaire sur le fait que la prosopographie de Wilamowitz, carrément exhaustive, ne marque pas le nom de Saint Mijomir. Par voie de conséquence, soit le Saint n’a jamais vécu (ce qui est absurde, car, en l’occurrence, nous tous serions attelés à une besogne scientifique vaine), soit il a vécu après 1907. J’avoue que je n’ai pas réussi à me ramasser après la lecture de cette étude, dont la plus étonnante conséquence serait que le Saint se trouve bel et bien parmi nous, en se moquant peut-être de nos pauvres tentatives d’éclaircir sa pensée (cf. Mijomir IVANOVICI, « Est-on prêt à se soumettre aux conséquences de la logique de Vaugirard », REM, XXVII, 2003, pp. 55-98).

3. Scott est mort pendant son septième voyage et alors sa femme est devenue veuve. En effet, le rôle de cette histoire est celui d’établir le terme premier d’une analogie (cf. Alice PLANCHE, Images d’ailleurs dans la littérature romanesque du Moyen Âge, Actes du Colloque de Science-fiction, Nice, 12-25 avril 1983, Nice, Editions de la Fondation, 1985, « Avant-propos », p. VII). La fonction de ce terme de l’analogie est de souligner l’ensanglantement de la révolution de 1848 (cf. « de même » et « ensanglanté »).

4. Personnage bien attesté, fabriquant de vodka et amant de la dernière tsarine. Il faut noter pourtant qu’il ne s’appelait point « Rasputine ». Selon Margueritte DURAS (L’Amant, Paris, Minuit, 1984), le nom se traduit par « le premier dans la rue », cf. « ras » = « un » et « put » = « rue » ; le vrai nom du personnage serait Vladimir Estragonovici Jdanov. Mais la thèse de Duras ne couvre pas la totalité des opinions. Stefan CZARNOWSKI (« Definicja i klasyfikacja faktow spolecznych », Dzieta, II, 1956, pp. 222-234, p. 229) estime que le vrai nom serait Rasputain ou Rasputine. Par contre, Jean HIPPOLYTE (Réfutation de toutes les hérésies anti-hégéliennes, Paris, Editions de la Dialectologie, 1969, pp. 168-236) soutient que le bonhomme s’appelait Vladimir Visarionovici Ras-Putine, où « Putine » serait la variante russe de « Tse » des Chinois (e.g. Mao-Tse-Dong) et signifierait soit « sage », soit plutôt « grand chef ». Le lecteur peut en choisir.