vendredi 23 mars 2007

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14. J’apprends que la Corse est hantée par des tembêtes et l’Yougoslavie par la guerre.[1]


La Corse
. Île située au milieu de la mer à la couleur du vin, également connue sous le nom de Sainte Hélène.

Tembêtes. Vraisemblablement, erreur perpétuée dans la tradition manuscrite et éditoriale. La leçon correcte serait « tempêtes ». A ce point, je m’étaie surtout sur la fréquence des confusions entre les labiales.

L’Yougoslavie. Il y en a une seule autre occurrence : « Il était une fois un pays. Il s’appelait Yougoslavie », chez Emir de Sarajevo[2]. Ce texte nous montre que dans la pensée mythique l’Yougoslavie est attachée aux Balkans. Certains auteurs, dont Maria Todorova [3], en proposent une étymologie délirante: “Yougos” serait la forme balkanisée du nom gallo - grec « joug, -os » (3e déclinaison), signifiant « joug » ; en l’occurrence, l’Yougoslavie serait le pays de ceux qui menaient leurs vies en trimant le joug de la tyrannie.

La guerre. Victor Krumschnidt[4] propose la leçon « guère ». « Guère », selon le philologue fribourgeois, signifierait « presque disette ». Certes, c’est l’interprétation rusée d’un philologue roué, mais je pense qu’il vaudrait mieux d’y suspendre tout sentiment et de suivre la tradition manuscrite, d’autant plus qu’il y a quantité de sources qui présentent les Balkans comme un théâtre de (la) guerre et que le traité d’Emir de Sarajevo est précisément un récit de guerre (ou, d’après certains exégètes, un traité de tactique).



[1] Chez Geoffroy de Villehardouin, La conquête du Constantinople, III, 91.

[2] Sub terris, sive Sit tibi terra levis, fratre Nigrine, 1.

[3] Imagining the Balkans, OxfordNew York, Oxford University Press, 1997, passim, 14 occurrences.

[4] « Guerre / guère. Notice philologique », R.E.M., VII (1984), pp. 3-24