dimanche 14 janvier 2007

Platon est parmi nous

Et si Platon était parmi nous ?
On a l’habitude de croire à tort que la philosophie n’est qu’une note en bas de page à l’œuvre de Platon. Je ne sais vraiment pas qui a dit cette niaiserie, mais je suis certain qu’il / elle l’a dit avant 1905. C’est qu’en 1905 la nouvelle révolution philosophique est commencée.
Je ne voudrais pas dire mot sur cette révolution, d’ailleurs fort bien connue des lecteurs. Je vais seulement montrer comment l’idée reçue que j’ai mentionnée (idée reçue de Windelband, m’assure l’un des mes étudiants) est bête.
Vu que le passé est un pays étranger (et je dis sa de l’hauteur de l’autorité de Lévi-Strauss et de ses copains) et vu que Platon a vécu dans le passé, il s’ensuit que Platon est un étranger pour nous tous. Il vivait dans un monde où il n’y avait pas des gares, des stylos, de l’électricité ou même des choses si banales que le café, les cigarettes et les tomates. N’en parlons des dindons et des ordinateurs.
Si Platon venait un jour chez nous, il serait horrifié. Si nous-mêmes nous allions u jour chez lui, nous n’en serions moins terrifiés.
C’est parce que le passé n’est pas un pays étranger quelconque, comme le Mexique par exemple, mais l’altérité même. Vivre dans le passé – à peu près à la différence de vivre au Mexique – est une impossibilité logique. (Comme toute impossibilité logique, celle-ci, lorsqu’on y pense, conduit à la comédie ; rappelez vous de Mark Twain.)
De cette impossibilité logique il s’ensuit que toute traduction conceptuelle de la langue d’un pays dans la langue de l’autre est impossible. Comment traduire le grec glwttopoieiÍn ? Comment expliquer à un grec (ancien) la notion de « main invisible » ?
Selon toute évidence, nous ne comprenons rien de l’œuvre de Platon. Conséquemment, construire des notes en bas de page à partir de ce qu’on ne comprend pas (quoi qu’il s’agisse d’une pratique très courante dans la science) est avant tout et en dernière analyse une niaiserie.
Tout compte fait et bien considéré, la philosophie n’a rien à foutre avec Platon.